La Poche de Saint-Nazaire

Durant la seconde guerre mondiale, cet incontournable épisode de l'histoire de Cordemais marquera pour longtemps les esprits.

Le 19 juin 1940, en quelques semaines, les troupes allemandes arrivent à Nantes. Deux jours plus tard, elles atteignent Saint-Nazaire. Commencent alors 5 années d’occupation, de restriction et d’angoisse.

Le 11 janvier 1944, Hitler élève Saint-Nazaire au rang de forteresse. Dès lors, l’avenir s’assombrit : les forteresses ont l’ordre de résister jusqu’au dernier homme. Dans l’esprit d’Hitler, la constitution de poches le long des côtes françaises avait pour but, en bloquant les ports, « de rendre impossible à l’ennemi d’amener un nombre d’hommes illimité » en même temps qu’elle permettait d’immobiliser une partie des troupes alliées. Les poches étaient réparties de la frontière belge à la frontière espagnole.

La formation de la Poche

Juin 1944, la nouvelle du débarquement sur les plages normandes redonne espoir à ceux qui subissent le joug nazi. L’arrivée des troupes américaines annonce une libération prochaine.

Les premiers jours d’août, des soldats refluent vers Saint-Nazaire. Ce ne sont pas les Alliés tant attendus mais des Allemands en déroute. Ils arrivent en masse. Pour contrer l’avancée des Alliés, ils édifient une ligne de fortification qui commence à Cordemais et rejoint le canal de Nantes à Brest. La Poche de Saint-Nazaire se dessine. Les « empochés » seront coupés du reste de la France, à la merci des Allemands, durant neuf mois alors que la plupart des forteresses furent libérées avant l’automne 1944. À cette date, sept d’entre elles résistent encore, celle de Saint-Nazaire étant la plus importante avec sa base sous-marine.

Carte Poche de Saint Nazaire

Un quotidien difficile

Un climat de peur et de terreur règne alors sur la commune. L’occupant est nerveux : les maquisards et les Alliés ne leur laissent aucun répit.

Malheureusement les représailles ne tardent pas. Le 10 août, une cycliste cordemaisienne est abattue pour avoir refusé de donner sa bicyclette.

Le massacre perpétré le 15 août 1944 par les Allemands au Moulin Neuf, petit hameau de Saint-Étienne de Montluc, reste dans la mémoire collective un symbole qui marque le début de la poche.

Une patrouille allemande avance jusqu’à Saint-Étienne ; riposte des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur). Les Allemands sont repoussés vers Cordemais jusqu’au Moulin Neuf, ils mitraillent tout ce qui bouge. Un sous-officier allemand est mortellement atteint. Le lendemain, une expédition punitive au Moulin Neuf est organisée : les maisons prennent feu, les exécutions sommaires et une prise d’otages complètent le tableau. Ils retrouveront le corps de leur camarade à la congrégation de la Haie Mahéas. Ils récupèrent le corps, relâchent les otages et se retirent.

Convoi d evacuation gare de CordemaisLe 24 août 1944, il y a un monde fou à la gare et le train est bondé. Tous les habitants de la région de Saint-Nazaire qui ne veulent pas être « empochés » n’ont plus qu’un jour pour quitter les lieux.

Mais c’est difficile de laisser derrière soi sa maison, ses champs, tout ce que l’on possède. À Cordemais, seuls 200 habitants ont décidé de rester. Demain, les 100 000 « empochés » de la région de Saint-Nazaire seront coupés de la France.

D’octobre 1944 au 26 avril 1945, date du dernier convoi, les équipes de la Croix-Rouge ont réussi à organiser, avec l’autorisation des deux armées, l’évacuation de nombreux civils (1 800 dans le premier convoi). La gare de Cordemais devient le passage obligé des évacués. Passage délicat puisqu’elle est localisée dans le no man’s land séparant les lignes armées. Sur la commune, la ligne allemande s’étendait du passage à niveau du Pontreau au lieudit La Jannais des Montagnes ; celle des Alliés du nord du lieudit Les Sables à La Folaine. Cette position fait de Cordemais une zone régulièrement bombardée et extrêmement périlleuse.

Les événements s’accélèrentReddition 1945 a Cordemais

Lundi 30 avril, Berlin est investi par les Soviétiques. Hitler se suicide.

Le 7 mai 1945 à 2h41, l’Allemagne capitule sans condition.

Le 8 mai 1945, l’armistice est proclamé. La guerre est finie.

Enfin ce n’est pas encore le cas pour la Poche de Saint-Nazaire.

Le 7 mai à 13h, les parlementaires alliés rencontrent au café Loiseau, près de la gare de Cordemais, les représentants allemands. Au grand étonnement des Alliés, aucun ordre de capitulation ne leur est parvenu. Avant de donner une réponse, ils doivent se référer à leur supérieur, le Général Junck, et s’engagent à leur répondre le lendemain. Les Alliés réclament qu’un cessez le feu soit observé en attendant mais là encore ils doivent patienter jusqu’à 18h pour avoir une réponse.

18h : refus du cessez le feu et la réponse pour la capitulation sera donnée le lendemain.Signature reddition 1945 a Cordemais

Le 8 mai à 13h : trois officiers allemands se présentent devant la maison de Francis Moisan, au lieudit Les Sables, face à deux officiers américains, un interprète et un capitaine français. Sur une table construite à la hâte avec des planches du grenier de la maison (restriction oblige), le protocole de reddition est signé à 13h30. Le cessez le feu entre en vigueur dès 14h.

Les allemands ont jusqu’au 10 mai pour déminer l’accès à la Poche et se constituer prisonniers.

Le 11 mai à 10h : la cérémonie de la reddition se déroule à l’hippodrome du Grand Clos à Bouvron. Junck déclare alors :

« Conformément à la capitulation signée à Cordemais le 8 mai, je remets entre vos mains les forces armées allemandes qui étaient sous mes ordres à Saint-Nazaire. En symbole de cette reddition je vous remets mon arme personnelle. Elle n’est pas chargée et la sécurité est mise. »

Les troupes alliées rentrent enfin dans le périmètre et la poche de Saint-Nazaire est libérée.

Petites précisions

La Table de la Reddition

Les prisonniers allemands resteront jusqu’en 1947 pour le déminage de la zone. Un millier de soldats seraient restés dans le département et auraient recommencé leur vie en France.

La table de la reddition de Cordemais

La table rapidement fabriquée pour la rencontre appartient au patrimoine de la commune. Elle fut conservée au Musée Dobrée à Nantes dès la fin de la guerre. À l’initiative de M. Abel Durand, président du Conseil général, la table fut remise à la municipalité de Cordemais en juillet 1984. Elle sera présentée régulièrement au public lors des grands anniversaires consacrés à la Libération de la Poche de Saint-Nazaire.

Le 7 mai 2016, la municipalité remet solennellement la Table au musée du Grand Blockhaus situé à Batz-sur-Mer. Par convention, la Table appartient toujours à la commune mais elle est conservée et présentée dans la scénographie du musée.

La Maison Moisan et la plaque commémorative

La maison de la famille Moisan était située en zone dangereuse entre les deux lignes armées, sous le feu des tirs croisés. La majorité des habitations implantées entre la gare et le bourg de Cordemais ont été détruites. Les habitants ont fui la Poche ou se sont réfugiés dans un lieu plus sûr.Plaque commemorative Les Sables

Vidée de ses occupants, les FFI ont pris possession de la maison Moisan qui représentait une position stratégique. Les propriétaires purent y retourner en juillet 1946.

Une plaque commémorative, inaugurée le 15 mai 1955, sur la façade de la maison, rappelle les événements qui s’y sont déroulés. La cérémonie est présidée par M. Abel DURAND, président du Conseil Général et M. RIX, Préfet.

Les autres lieux de mémoire

Le monument de la gare de CordemaisEntre la gare et le passage à niveau, un monument commémoratif rappelle l’importance de la gare de Cordemais, unique lieu de passage officiel entre la France libérée et la Poche. La pierre provient de l’ancien phare de l’Île de Sein détruit le 3 août 1944 par l’occupant. Le monument a été inauguré le 8 mai 2005.

En souvenir de ces heures douloureuses a été érigé un monument aux morts au centre du cimetière.

Un peu plus loin, au fond du cimetière, un second monument a été élevé à la mémoire des victimes des bombardements entre août 1944 et mars 1945.

À la sortie du Temple-de-Bretagne, au lieu-dit Le Pâtureau des Perrières, le monument des chasseurs à pied alpins rend hommage aux soldats du 17ème bataillon de chasseurs à pied qui prirent position sur le front de la Poche.

Ces monuments ont été érigés pour que les générations suivantes n’oublient jamais cette période sombre de notre histoire.

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